Docteur en mathématiques appliquées, Antoine Heranval a présenté sa thèse CIFRE en partenariat avec la Mission Risques Naturels « Contributions des données de l’assurance à l’étude des risques naturels », à Sorbonne Université en septembre 2022.
Dans un contexte marqué par une augmentation du coût des dommages assurés liés aux événements climatiques, d’un niveau déjà élevé, il est essentiel pour les assureurs de s’investir dans l’amélioration de la connaissance et de la prévention des risques naturels. C’est à cet effet que la Mission Risques Naturels (MRN) a été créée en 2000. Dans le cadre de notre thèse, nous contribuons à cette mission en apportant des connaissances sur l’évaluation du coût des risques naturels en France. Nous cherchons à exploiter pleinement les précieuses données créées et collectées par le secteur de l’assurance, qui joue un rôle central dans l’observation des dommages causés par les événements naturels. Nous avons ainsi étudié la sinistralité à l’échelle fine du bâtiment grâce à l’analyse des données textuelles des experts d’assurance. Cette analyse des rapports d’expertise produit directement de la connaissance en identifiant les parties vulnérables du bâtiment. Ces informations peuvent contribuer à une meilleure prévention si elles sont prises en compte, notamment au moment de la construction.
Une application possible de nos travaux consisterait à examiner les coûts de réparation observés dans les rapports d’expertise et à les comparer aux coûts d’installation des mesures de résilience visant à réduire ou à éviter ces réparations. Si les coûts d’installation s’avèrent inférieurs aux dommages potentiels, cette analyse pourrait inciter davantage les constructeurs à adopter des mesures de résilience performantes. Cette initiative s’inscrit pleinement dans les objectifs d’adaptation, mais nécessiterait une meilleure coordination pour établir une structure commune de rapport d’expertise pour l’ensemble du marché. En particulier pour les informations de chiffrage qui sont difficiles à exploiter automatiquement en raison de leurs formats et structures spécifiques.
Nous avons aussi proposé une méthode d’estimation pour le coût des événements d’inondations. Elle consiste à estimer la distribution statistique du coût en nous concentrant sur les événements extrêmes. Pour cela, nous appliquons la théorie des valeurs extrêmes couplée à des arbres de régression. Nous présentons des résultats théoriques sur la consistance de cette procédure. Pour compléter cette démarche et permettre l’estimation du coût des événements, nous utilisons la théorie de la crédibilité.
Identifier des territoires vulnérables
Avec cette approche, le coût total dépend de l’historique du coût sur les communes touchées, mais aussi du type d’événement, déterminé par les arbres de régression. C’est très précieux car les spécificités locales des communes sont prises en compte, mais aussi le profil de la distribution des extrêmes de l’événement. Ce profil renseigne le type d’événement et constitue le prior de l’approche bayésienne.
L’application de la théorie de la crédibilité à notre problème ouvre ainsi un champ original de recherche considérant le coût à la commune en fonction d’un profil extrême de risque, caractéristique de l’événement qui la touche. Cela peut être utile pour identifier des territoires vulnérables. Cette méthode peut aussi être utilisée pour la tarification des risques émergents avec peu de données. Nos applications permettent de confronter les modèles mathématiques et algorithmes d’apprentissage statistique aux données réelles, collectées et utilisées par la profession de l’assurance, et en particulier des données de sinistralité. Elles apportent ainsi des éléments de réponse à des problèmes de modélisation communs en actuariat, tels que la modélisation d’événements extrêmes ou l’utilisation de jeux de données déséquilibrés ou hétérogènes.