L’économie de guerre à la lumière de l’histoire

15 juin 2020  | Par Thomas LESTAVEL
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Les stratégies à l’œuvre lors des grands conflits du XXe siècle ont bouleversé les économies, le système financier et les équilibres internationaux. La crise sanitaire aussi apporte son lot de transformations, que l’histoire économique des conflits met en perspective.

Emmanuel Macron a employé l’expression à six reprises lors de son intervention télévisée du 16  mars  : «  Nous sommes en guerre. » Des mots forts pour justifier des mesures historiques destinées à lutter contre l’épidémie de coronavirus. Dans la foulée du président de la République, plusieurs membres de l’exécutif sont montés au créneau pour annoncer la mise en place d’une « économie de guerre » et un arsenal de dispositifs exceptionnels – confinement, attestations de déplacement, arrêt d’une grande partie des activités économiques… Si le contexte diffère à bien des égards d’un conflit géopolitique (lire Est-on entré dans une économie de guerre ?), l’interventionnisme de l’État et ses initiatives ne sont pas sans rappeler certains des instruments institués durant les grands conflits mondiaux.

L’économie de guerre « est née au XXe siècle avec la Première Guerre mondiale », avance Philippe Moreau Defarges, politologue, ancien diplomate et spécialiste des questions internationales. Alors que les belligérants s’attendaient à un conflit de courte durée, celui-ci s’est prolongé sur plusieurs années, exigeant de plus en plus de ressources. La guerre a ainsi acquis un caractère « total » : pour la gagner, il fallait être capable de financer et d’organiser sur le long terme la production efficace d’armes et de biens essentiels à la survie de la nation. « Toute la vie économique était centrée autour du combat », résume Philippe Moreau Defarges. Si « les travaux de recherche contemporains portent très peu sur l’économie de guerre », relève Julien Malizard, de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), la littérature sur le sujet permet néanmoins de dégager quelques constantes. À commencer par le rôle central de la puissance publique. « Véritable laboratoire du dirigisme, la Première Guerre mondiale a constitué une césure fondamentale dans l’histoire du capitalisme », analyse Éric Bosserelle, maître de conférences en sciences économiques à l’université de Reims. Les deux guerres totales du XXe siècle (1914-1918 et 1939-1945) ont donné à la puissance publique une place inédite, dépassant largement les fonctions régaliennes, et finalement accouché de l’État providence 1.

Mesures d’urgence et réquisitions

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