Les tensions qui émaillent la mer Rouge, le canal de Panama ou encore le détroit de Taïwan – autant de voies stratégiques du commerce mondial – démontrent les risques induits par l’extrême « maritimisation » des échanges internationaux pour l’économie et la stabilité politique mondiale.
Jusqu’où ira la crise qui se déroule actuellement en mer Rouge ? Depuis novembre 2023, cet espace stratégique du commerce mondial, situé entre les rives est de l’Afrique et celles de la péninsule arabique, encadré au Sud par le détroit de Bal-el-Mandeb et au Nord par le canal de Suez, est devenu le théâtre d’une guerre par procuration entre l’Iran et Israël et ses alliés occidentaux. À la manœuvre, les forces houthies, qui contrôlent de grandes parties du Yémen, notamment la côte de la mer Rouge, y multiplient les attaques contre des navires marchands en vue d’imposer un cessez-le-feu humanitaire dans la bande de Gaza, où une guerre meurtrière oppose Israël et le Hamas. En représailles, les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays mènent des frappes aériennes contre le groupe en mer comme sur terre, faisant craindre un embrasement de la région.
« Le contexte géostratégique actuel est marqué par une augmentation du désordre international. Et la mer, qui voit une augmentation des usages licites ou illicites, devient le réceptacle des débordements des crises ou conflits terrestres », s’inquiète ainsi l’amiral Nicolas Vaujour, chef d’état-major de la Marine, en préambule du bilan de 2023 du centre d’expertise français dédié à la sûreté maritime, le Maritime Information Cooperation and Awareness Center (Mica). Selon lui, cette évolution emporte de nouveaux enjeux tant économiques et financiers, qu’informationnels et sécuritaires : « Notre prospérité et, par conséquent, notre sécurité se jouent en mer. La sûreté maritime devient à ce titre une préoccupation de premier ordre », insiste-t-il. L’exacerbation de cette crise s’inscrit dans le contexte d’une « maritimisation du monde », selon l’expression de Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri) en référence à l’accroissement depuis les années 1970 des échanges par voie maritime.