PIERRE-HENRI GOUYON, Professeur au Muséum national d’histoire naturelle, à AgroParisTech, à l’ENS et à Sciences Po

1 octobre 2018  | Par Juliette NOUEL
L'actuariel // Environnement // PIERRE-HENRI GOUYON, Professeur au Muséum national d’histoire naturelle, à AgroParisTech, à l’ENS et à Sciences Po

Chercheur en systématique, évolution et biodiversité, Pierre-Henri Gouyon explique les grands mécanismes de la biodiversité et alerte sur son actuel déclin.

Vous comparez souvent la biodiversité à un vélo. Pourquoi ?

Pierre-Henri Gouyon : Parce que, comme un vélo, elle ne peut pas s’arrêter d’avancer sans chuter. La biodiversité, ce n’est pas une liste statique. C’est un équilibre dynamique : des espèces disparaissent, d’autres se différencient progressivement à partir d’une souche unique. Au passage, soulignons que le terme espèce est une commodité de langage. En réalité, rien n’est stable et il n’y a pas de barrière fixe entre les différences individuelles, les variétés, les sous-espèces et les espèces. Autrement, il n’y aurait pas d’évolution. Si tout devait se rejouer depuis le début, le paysage serait d’ailleurs totalement différent et peut-être comprendrions-nous mieux que ce que nous percevons comme un progrès n’est qu’une des directions possibles prise par hasard par l’évolution.

Pourquoi parle-t-on de crise de la biodiversité actuellement ?

Pierre-Henri Gouyon : Pour que de nouvelles lignées continuent à se différencier, il faut qu’au sein de chaque population animale ou végétale les effectifs soient en nombre suffisant : sans cela, la variabilité génétique est trop faible pour que de nouveaux caractères se manifestent et soient sélectionnés en raison de leur meilleure adaptation à l’environnement local du moment. Or on constate des baisses colossales d’effectifs partout. Si l’on prend le dernier rapport du WWF, les effectifs des populations de 3 706 espèces de poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles ont diminué de près de 60 % en seulement 42 ans (1970 à 2012). Cette chute des effectifs non seulement met en péril la différenciation de nouvelles lignées mais va conduire à la disparition massive des populations et, à terme, des lignées (variétés, sous-espèces, espèces, etc.) existantes. On n’y est pas encore mais tout le mécanisme d’effondrement est en place. Selon la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature, sur les 91 523 espèces végétales et animales étudiées, 25 821 sont classées menacées d’extinction au niveau mondial.

Quand et comment cette menace d’extinction massive va-t-elle se concrétiser ?

Pierre-Henri Gouyon : La dynamique interne de la biodiversité est touchée et le vélo ralentit dangereusement

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