Les heures sombres de la transition énergétique

15 juin 2018  | Par Juliette NOUEL
L'actuariel // Environnement // Les heures sombres de la transition énergétique

Les conditions sont-elles réunies pour réussir le passage à des énergies durables ? Comble des paradoxes, la transition énergétique pourrait bien manquer d’énergie… Non seulement pour assurer la marche du monde une fois les énergies fossiles abandonnées, mais aussi pour parvenir à alimenter les nouveaux modes de production de cette énergie. Plongée dans l’arène des débats.

Dix millions de dollars, c’est la somme que Mark Jacobson, professeur d’ingénierie environnementale à l’université de Stanford, a réclamée pour diffamation à Christopher Clack, mathématicien et ancien chercheur à l’université du Colorado. La raison : dans le journal de la National Academy of Sciences, Clack a remis en cause la validité du scénario Wind, Water and Sun de Jacobson, qui démontre la possibilité d’un monde 100 % EnR (énergies renouvelables). Pour Clack, les capacités de stockage de l’énergie telles que décrites sont notoirement insuffisantes. Conflit isolé ? Oui, quant à sa judiciarisation, loin de là quant à son sujet. À l’intérieur ou hors des murs des universités, la transition énergétique est un immense chantier de discussions. Amateurs de consensus, s’abstenir : toutes les conditions de sa mise en œuvre font débat, voire polémique. Il y a juste un point sur lequel tout le monde s’accorde : le gigantisme du défi. Les énergies fossiles fournissent plus de 80 % de la production d’énergie primaire mondiale ; l’eau, le solaire et le vent uniquement 5 %, la biomasse 10 %. Reste 5 % pour le nucléaire. Côté consommation d’énergie finale, ce n’est guère mieux : l’électricité, principal vecteur d’énergie de la transition, ne représente que 20 % du total mondial, et un quart seulement de cette électricité est produite par des énergies renouvelables… Enfin, les besoins ne cessent d’augmenter : la consommation d’énergie primaire a été multipliée par 7 en 70 ans, pour atteindre près de 14 000 millions de tonnes-équivalent pétrole par an aujourd’hui.

Qu’il s’agisse des cibles, des objectifs, des approches… aucun des auteurs de scénario ne suit les mêmes règles

Nicolas Raillard ///The Shift Project

Devant ces chiffres vertigineux, la pénurie d’énergie une fois la transition réalisée est bien la première hantise de ceux qui se penchent sur ce casse-tête. « Le problème, c’est que, pour réussir la transition, il va falloir réaliser des transferts d’usage massifs vers les EnR. C’est envisageable pour le transport routier ou le chauffage, mais cela paraît quasi impossible pour l’aéronautique de masse et pour quantité de procédés industriels », indique Nicolas Raillard, du think tank The Shift Project. À cela s’ajoute une problématique majeure liée à la nature des EnR électriques : la gestion de leur intermittence et donc du stockage de l’énergie. Actuellement, seule l’hydro-électricité est capable d’assurer ce stockage à grande échelle, grâce aux stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Mais cela implique une déperdition énergétique de 20 %. En outre, difficile de construire des barrages partout, pour des raisons d’impact social et environnemental, mais aussi de manque d’eau lié à la hausse des températures.

Quelles énergies (ad)mettre dans le mix ?

Une solution pour réduire la menace d’une pénurie hors fossiles et hors nucléaire serait bien sûr de réduire la demande.

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