Directeur scientifique du groupe Renault, Luc Julia évoque les perspectives de l’intelligence artificielle dans l’entreprise. Le cocréateur de Siri appelle à un sursaut collectif pour s’éduquer à l’IA et mieux parer ses dérives.
Chaque semaine est marquée par une annonce majeure dans le domaine de l’intelligence artificielle. Partagez-vous cette impression d’une accélération difficile à suivre ?
Luc Julia : Cette effervescence n’est pas si nouvelle. Tout s’est accéléré à partir de novembre 2022 quand OpenAI a rendu public ChatGPT 3.5. Nous commençons à comprendre comment utiliser ces technologies pour créer des choses concrètes. De nouveaux acteurs ont saisi que l’heure n’était plus aux démonstrations générales, mais aux usages ciblés.
Qu’entendez-vous par là ?
Luc Julia : Nous avons d’abord voulu développer des modèles généralistes qui répondent à toutes les demandes, comme ChatGPT. Aujourd’hui, nous cherchons à spécialiser les IA, à les entraîner sur des cas d’usage bien définis, en utilisant notamment des techniques comme le fine-tuning ou le RAG (NDLR : retrieval augmented generation, qui consiste à connecter un modèle à des bases de données internes plutôt qu’à l’ensemble des informations disponibles sur internet).
Existe-t-il déjà des applications convaincantes ?
Luc Julia : Oui, beaucoup. En 2023 et 2024, les entreprises du CAC 40 ont mené chacune, en moyenne, 170 POC (NDLR : proofs of concept ou études de faisabilité) autour de l’IA générative. À chaque fois, une dizaine en moyenne ont été réellement mises en place. Soit un taux de succès de 6 %, ce qui est tout à fait cohérent avec les dynamiques habituelles de l’innovation. Il est intéressant de constater que les projets retenus sont souvent très ciblés : des applications spécialisées construites sur des données métiers précises. C’est là que l’IA devient réellement utile.
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