Au même titre que la souveraineté alimentaire ou énergétique, la souveraineté numérique devient chaque jour plus stratégique. Comment les acteurs européens peuvent-ils faire pour assurer aux usagers la sécurité de leurs données stockées dans l’immensité du cloud sans nuire à la qualité des services ?
Une nouvelle donne. La posture agressive de l’administration américaine, fermement engagée dans sa guerre commerciale, oblige les entreprises à réévaluer leurs choix stratégiques. Certaines tentent déjà de réduire leurs dépendances financières et opérationnelles aux États-Unis. Les données informatiques, majoritairement hébergées dans les serveurs de Google, Amazon Web Services (AWS) et Microsoft (Azure), font partie de l’équation. « Les dirigeants politiques et économiques européens ont compris que l’autonomie stratégique incluait le numérique », souligne Aliette Mousnier-Lompre, directrice générale d’Orange business. La politique impulsive de Donald Trump « a servi de catalyseur et accéléré la prise de conscience », confirme Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, le régulateur des télécoms. Pour elle, la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine avaient commencé à placer la souveraineté au cœur des priorités. Trump a fait le reste, en apportant « une surcouche de brutalité et de détestation », lâche le député de Vendée Philippe Latombe (Les Démocrates), spécialiste en cybersécurité et membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
De quel risque parle-t-on exactement ? « Les États-Unis pourraient tout à fait interdire, du jour au lendemain, à un pays d’accéder aux technologies américaines. Souvenons-nous de l’embargo visant la Chine pour les microprocesseurs en 2022 », souligne Philippe Miltin, directeur général d’Outscale, marque de Dassault systèmes spécialisée dans le cloud. « Hier, le risque était purement cyber. Aujourd’hui, c’est celui d’un shutdown, une coupure brutale pour appuyer des pressions politiques ou économiques », résume Solange Viegas Dos Reis, directrice juridique d’OVHCloud, le champion français du cloud. « Des risques longtemps perçus comme théoriques sont désormais bien réels.