Open insurance : Virage stratégique pour les assureurs historiques

23 juin 2022  | Par Séverine LEBOUCHER
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L’open insurance pousse les assureurs à nouer des partenariats nouveaux. Au-delà des questions technologiques de partage et d’ouverture des data, c’est avant tout un nouveau modèle économique qui tend à émerger.

Jamais le secteur de l’assurance n’a été une citadelle barricadée, fonctionnant en vase clos, sans interaction avec le monde qui l’entoure. Qu’il s’agisse de se coordonner avec la Sécurité sociale pour les mutuelles de santé, de s’associer avec des réseaux de réparateurs pour les couvertures automobile ou, plus largement, de collaborer avec une multitude de courtiers, les acteurs de l’assurance ont toujours été dans une démarche d’ouverture et d’interaction.

Néanmoins, le mouvement de digitalisation de l’économie – dopé par l’aiguillon de la crise sanitaire – accélère ce phénomène. Plusieurs secteurs en ont déjà fait l’expérience, qu’il s’agisse du transport ferroviaire, de l’hôtellerie ou, plus proche encore, de la banque. Dès 2019, cette dernière a été forcée par le régulateur d’ouvrir une partie stratégique de ses systèmes d’information – à savoir, les comptes courants de ses clients – pour permettre à des acteurs tiers de proposer des services annexes comme l’agrégation de comptes. Un mouvement dit d’« open banking » s’est enclenché, qui fait réfléchir les assureurs. Et si leur régulateur leur imposait également d’ouvrir grand leurs systèmes d’information ? Si rien de tel n’est dans les tuyaux pour l’heure, cela n’empêche pas le secteur d’initier des projets d’« open insurance ».

Vers qui et comment s’ouvrir ?

Très peu normé, le concept revêt des réalités variées selon celui qui s’en saisit. Mais c’est toujours le même principe qui est à l’œuvre : développer son activité et son offre en s’appuyant sur des partenaires tiers. Et, aujourd’hui, les échanges avec ces derniers doivent être particulièrement fluides. C’est pour cela que les architectures digitales des différents protagonistes doivent être capables de s’ouvrir pour dialoguer. Une technologie rend ce dialogue possible : l’API ou « application programming interface ».

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Encadré

La menace des plateformes spécialisées

L’assureur peut-il se retrouver désintermédié dans le cadre des nouveaux partenariats d’open insurance ? Il y a cinq ans, cette mise en garde était surtout formulée dans la perspective d’une arrivée massive des Gafa dans le secteur financier. Si ce raz-de-marée n’a pas eu lieu, d’autres acteurs sont toutefois en embuscade. « Ce serait une erreur de considérer que, parce que les GAFA ne se sont pas emparés du marché pour l’instant, la menace a disparu, prévient l’investisseur Florian Graillot. Il existe en particulier des plateformes plus spécialisées qui, grâce à leur expertise en relation client, grignotent déjà le marché, à l’image de Blablacar ou d’Ornikar. »

Le premier, après avoir dans un premier temps noué un partenariat avec Axa pour distribuer son offre, a préféré l’an dernier construire un produit plus personnalisé, fourni par L’Olivier Assurance. Le second a suivi la même voie et veut aujourd’hui développer sa propre marque d’assurance. « Il y a un risque d’inversion du pouvoir : c’est désormais la plateforme qui imagine le produit puis cherche un assureur pour porter le risque, poursuit Florian Graillot. Ce dernier n’est plus à l’initiative et devient un simple fournisseur. » Une désintermédiation qui n’a plus rien de théorique.

Note

Une pratique à mieux encadrer ?

À la différence du secteur bancaire, le régulateur s’est encore peu emparé du sujet de l’open insurance. Une consultation a été menée par l’Eiopa début 2021, mais sans suite. Pour l’instant, «la Commission européenne va prochainement soumettre une consultation au marché sur l’open finance en général», indique Nicolas Marescaux, actuaire certifié IA, directeur adjoint, réponses besoins sociétaires et innovation à la Macif et membre du groupe d’experts de la Commission européenne sur le partage de données financières. En vue de durcir les conditions de cette ouverture ? « L’open insurance peut-être positive pour stimuler la concurrence, à condition de protéger les intérêts des assurés, nuance l’expert. Veillons à la qualité du devoir de conseil par tous les acteurs, prenons en compte le temps long du métier et préservons la mutualisation.»