Assurance : le sur-mesure élargit la gamme des possibles

15 juin 2018  | Par Béatrice MADELINE
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Rebond

Les nomades prennent le pouvoir

Un nouveau profil de consommateur est en train d’émerger, selon une étude d’Accenture publiée en 2017.

Les consommateurs seraient de plus en plus ouverts à de nouveaux modèles de distribution, révèle l’étude d’Accenture « Financial Service Global Distribution and Marketing » réalisée en 2016 auprès de 32 175 consommateurs sur 18 marchés. Ainsi, 29 % d’entre eux seraient prêts à acheter un produit d’assurance auprès d’un acteur comme Google ou Amazon (contre 23 % en 2013), 38 % pourraient opter pour un tout autre fournisseur de services domestiques (contre 20 % en 2013) et 30 % seraient même prêts à acheter leur assurance dans un supermarché ou un commerce de détail (contre 14 % en 2013). Plus largement, trois types de consommateurs se dégagent de cette étude : les « nomades », très investis dans le digital, prêts à s’adapter à un nouveau modèle de distribution de l’assurance ; les « chasseurs », qui cherchent le meilleur rapport qualité/prix ; les « adeptes de la qualité », enfin, qui restent attachés à la valeur de la marque et à la qualité de service. Les nomades, les plus jeunes, seront dans un avenir proche, selon toute logique, le modèle dominant des clients de l’assurance. Ils attendent de leur assureur flexibilité et personnalisation des produits, souhaitent utiliser un canal tout digital et privilégient à la qualité de la relation avec l’assureur un bon rapport qualité/prix. Plus encore, 63 % sont prêts à confier plus de données personnelles aux assureurs en échange de nouveaux services, par exemple pour améliorer leur hygiène de vie, recevoir des conseils sur le choix d’un itinéraire, grâce à la géolocalisation, ou être alertés lorsqu’ils pénètrent dans une zone particulièrement criminogène…

Point de vue

« La nécessité de proposer des offres innovantes fait évoluer les pratiques tarifaires »

 

Comment tarifer des produits à la demande ?

Matthieu Lagadec : Deux cas de figure peuvent se présenter. Sur les « offres à la carte », où les garanties sont optionnelles, les assureurs disposent souvent déjà de données sur les sinistres qui leur  permettent de les tarifer. Bien entendu, dès lors que quelqu’un va choisir une seule garantie, le tarif va être plus élevé du fait de l’antisélection. Sur les produits récents ou qui portent sur de nouveaux usages, on cherche à capitaliser les informations qu’on a déjà et à récupérer un maximum de données supplémentaires.

 

Cela signifie que les tarifs peuvent évoluer en fonction de la collecte des données ?

Marie-Claude Sarraudy : Oui, on va vers des tarifs qui évoluent de manière plus dynamique que les tarifs classiques, au fur et à mesure de l’acquisition de données. Par apprentissage, les tarifs peuvent évoluer régulièrement, des indicateurs de pilotage permettant de mesurer l’impact aussi bien sur la sinistralité, le churn que l’acquisition de contrats. C’est d’autant plus efficace que les assureurs travaillent de manière agile, avec des équipes qui rassemblent des actuaires bien sûr, mais aussi le marketing, la gestion, les risques…

 

Comment faire quand on ne dispose pas de données du tout, ou très peu ?

Matthieu Lagadec : On peut faire des tarifications « à dire d’expert », et entrer dans une démarche itérative : je teste, je vois ce que ça donne, et s’il y a une demande. Des tests ont déjà été lancés par un certain nombre d’assureurs sur des produits innovants, notamment dans les pays anglo-saxons, qui sont bien en avance sur ces questions.

 

Ces produits constituent-ils un risque de marge pour les assureurs ?

Marie-Claude Sarraudy : Quand on ne connaît pas bien le risque, la marge d’incertitude sur les tarifs augmente. La concurrence sur des produits innovants et récents peut être moindre et permettre d’inclure une marge de sécurité. Plutôt qu’augmenter les prix, la bonne stratégie reste néanmoins d’améliorer la connaissance du risque et le suivi de la fraude.

Avoir des données sur le risque, c’est une chose, mais comment faire quand un client sur lequel on ne dispose d’aucune information souscrit via une appli mobile, par exemple ?

Matthieu Lagadec : L’objectif lors de l’acquisition d’un client nouveau est de préciser son profil, notamment à partir des quelques questions posées à la souscription, judicieusement choisies, ou à partir de son appartenance à une communauté. Le suivi du portefeuille d’assurés doit ensuite être adapté au mode de distribution retenu, l’accès à l’information étant différent en ligne relativement au contact de visu.

 

Comment travaillent les assureurs en interne sur ces enjeux nouveaux de tarification ?

Marie-Claude Sarraudy : Relativement aux nouvelles méthodes de tarification et notamment la data science, plusieurs organisations sont possibles. Certains assureurs ont créé des pôles de data scientists en support des équipes métiers. D’autres ont préféré intégrer des data scientists au sein des différentes équipes.

 

Les actuaires sont ils aujourd’hui bien armés pour faire face à ces nouveaux enjeux ?

Marie-Claude Sarraudy : Les actuaires sont depuis longtemps formés à l’exploitation de la data, ils sont très rompus à toutes ces problématiques, et la majorité des formations d’actuaires se renforcent en data science. Les méthodes de data science existent depuis longtemps mais l’accès à de gros volumes de données et les évolutions informatiques ouvrent de nouveaux horizons.

 

Photographie : Cécil Matthieu

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