Nouvelle répartition des tâches, formation continue indispensable, management repensé, les impacts de l’IA sur le travail imposent une réorganisation à tous les niveaux. Entre expertise technique et perte de compétences pratiques, comment trouver l’équilibre ?
L’intelligence artificielle (IA) était présente dans le monde du travail bien avant l’irruption de l’IA générative, notamment à travers les systèmes experts. Pour autant, cette révolution technologique ouvre une nouvelle ère. « Le propre de l’IA est d’être une general purpose technology, une “technologie à usage général”, comme la machine à vapeur, l’électricité ou internet. Cela signifie (…) qu’elle a une application très vaste : non seulement ses performances augmentent avec son usage, mais elle favorise également l’innovation dans d’autres secteurs », explique le sociologue Juan Sebastián Carbonell dans un entretien à la revue Cahier français (1). La question qui anime aujourd’hui le monde du travail n’est donc « plus de savoir si l’IA sera introduite dans les nombreux domaines où elle trouverait à s’intégrer, mais de se préparer à la généralisation de son usage », souligne de son côté le Conseil économique, social et environnemental (Cese), en introduction d’une étude sur le sujet (2).
Si l’ampleur de l’impact de l’IA sur l’emploi est relativement incertaine (voir encadré), celle sur le travail ne fait guère de doutes. Avec la particularité, contrairement aux précédentes révolutions technologiques, de toucher aussi les métiers les plus qualifiés. « Nous partons du principe que tous les métiers seront touchés », indique le sociologue Yann Ferguson, directeur scientifique du LaborIA, un laboratoire de recherche-action qui se penche sur les effets de l’IA sur l’avenir du travail. « Une erreur fréquente, déjà observée avec l’informatisation, consiste à évaluer l’impact de l’IA uniquement à travers les gestes professionnels emblématiques d’un métier, en négligeant les autres dimensions. Prenons l’exemple des artisans, une étude récente d’Astérès montre que ceux qui ont intégré l’IA dans leur activité gagnent entre une et quatre heures de travail par jour : l’IA intervient sur leurs tâches de gestion et non sur leur cœur de métier. »