Personnalisation extrême du pouvoir, diplomatie hyperactive, affirmation d’une identité nationale… l’Inde se veut l’égale des grandes puissances mondiales. Décryptage des ambitions d’un géant avec Olivier Da Lage, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
L’Inde est la cinquième puissance économique mondiale en 2022 et le pays le plus peuplé au monde en 2023, avec 1,4 milliard d’habitants. Quelles sont ses ambitions sur la scène internationale ?
Olivier Da Lage : Les ambitions de l’Inde sont immenses. Elle veut se faire reconnaître comme le porte-parole de ce qu’elle appelle le « Sud global ». Cette dénomination se veut plus positive et plus dynamique que celle de « tiers-monde » ou de « pays en voie de développement » et vise à défier la domination des pays occidentaux, qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dirigent le système international. L’Inde veut aussi être reconnue comme une puissance globale, à l’égal des autres grands pays et notamment de la Chine, qui est sa grande rivale, à la fois en Asie et sur l’ensemble de la planète. C’est pourquoi elle demande un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Onu, une ancienne revendication qui ne donne pour l’instant aucun signe d’avancée.
Comment caractériser la relation entre la Chine et l’Inde ?
Olivier Da Lage : Elle est paradoxale, faite de besoins réciproques, de craintes, de rivalités et d’hostilités. Depuis quelques années, l’Inde a pris conscience que la Chine représentait, davantage que le Pakistan, une menace pour son territoire et pour son influence. Et le fait que la Chine et le Pakistan soient très proches n’arrange rien. Mais la Chine représente aussi un atout pour l’Inde : c’est notamment grâce à elle que New Delhi obtient le soutien des pays occidentaux, inquiets de la montée en puissance de ce pays.