Titulaire de la chaire économie de défense à l’IHEDN, Julien Malizard explique en quoi l’augmentation du budget dédié aux armées est un passage obligatoire pour la France, puissance militaire européenne, dans le contexte géopolitique actuel.
Pour commencer, pourriez-vous expliquer ce qui distingue, au-delà des mots, une économie de défense d’une économie de guerre ?
Julien Malizard : Le terme d’économie de guerre est revenu pour la première fois depuis plusieurs décennies dans la bouche d’Emmanuel Macron en 2022, peu après le début du conflit en Ukraine. L’idée première est de produire plus vite à moindre coût. Entre 1992 et 2022, après la chute du mur et la fin de l’URSS, l’outil industriel de défense s’est adapté avec des commandes plus faibles et un volume de production lui aussi, de facto, plus faible. Cette nouvelle donne a conduit les industriels à ajuster leurs carnets de commandes en étalant dans le temps leur production, tout en maintenant les compétences sur le temps long. Ce qui n’a pas été simple et se ressent aujourd’hui alors que l’industrie de défense fait face à une pénurie de main-d’œuvre dans certains corps de métiers.
La guerre en Ukraine a modifié la donne. Il s’est agi alors de répondre à des besoins urgents avec des capacités contraintes. Il a été difficile d’adapter l’offre à la demande. Certains pays se sont tournés vers des pays extérieurs comme la Pologne vis-à-vis de la Corée du Sud qui disposait de stocks. Le problème aujourd’hui est que ces mêmes stocks n’existent plus. Il faut donc produire de nouveau à un rythme plus soutenu pour répondre aux besoins considérables, car la situation géopolitique révèle une menace importante dans de nombreux pays. C’est l’économie de guerre.