VALÉRIE MASSON-DELMOTTE, climatologue au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement de l’Institut Pierre-Simon Laplace, coprésidente du groupe n° 1 du Giec*.

31 mars 2019 
L'actuariel // Environnement // VALÉRIE MASSON-DELMOTTE, climatologue au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement de l’Institut Pierre-Simon Laplace, coprésidente du groupe n° 1 du Giec*.

Elle revient sur le rapport dit « + 1,5 °C » et explique la nécessité de décloisonner les approches sur le changement climatique. Elle défend avec conviction que  « Chacun doit contribuer à sa juste part, sinon, nous courons à l’échec »…

Quel était l’objet du rapport du Giec d’octobre dernier ?

Valérie MASSON-DELMOTTE : À la demande de la COP21, nous avons comparé les impacts d’une hausse des températures de + 1,5 °C à une hausse de + 2 °C (par rapport au climat de 1850-1900) et les trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre (GES) compatibles avec une telle stabilisation du climat. Ainsi, une différence de 0,5 °C est déterminante pour les événements extrêmes comme les vagues de chaleur, l’intensité des pluies torrentielles, le rythme de montée du niveau des mers et leurs conséquences pour la sécurité humaine et pour la préservation des écosystèmes marins et terrestres. Nous avons également montré qu’une stabilisation du climat n’est pas impossible mais demanderait des transitions à un rythme sans précédent historique, puisqu’il faudrait diviser par deux les émissions mondiales de CO2 et aller vers le net zéro émissions de CO2 d’ici à 2050, tout en réduisant également les émissions des autres GES, comme le méthane. Nous avons identifié les leviers d’action sur les transitions de cinq grands systèmes : énergétique, gestion des terres, urbain, industriel et grandes infrastructures.

Combien de personnes et de pays ont-ils contribué à ce travail ?

Valérie MASSON-DELMOTTE : Ce rapport est la synthèse du travail de 91 auteurs originaires de 40 pays, ainsi que des apports de 133 contributeurs. Il a passé en revue 6 000 publications scientifiques, dont les trois quarts ont été publiées au cours des derniers cinq ans. Les versions successives du rapport ont reçu 42 000 commentaires venant de plus de 1 000 relecteurs de la communauté scientifique et des gouvernements.

Comment le rapport a-t-il été accueilli ?

Valérie MASSON-DELMOTTE : Les répercussions médiatiques ont été considérables pour un rapport du Giec. Nous avons eu aussi beaucoup de sollicitations pour en parler hors média et en dehors des cercles scientifiques. Pour ma part, je l’ai présenté au Sénat, à la Banque de France, au Groupe La Française, à l’Agence française de la biodiversité ou à la R&D du groupe Total et lors de nombreux séminaires scientifiques ou conférences publiques. Le rapport a été approuvé par l’ensemble des pays, en session plénière du Giec, après une session marathon de cent heures. Lors de la COP24, dans le cadre d’un groupe de travail des négociations de la Convention des Nations unies sur le changement climatique, l’Arabie saoudite, le Koweit, la Russie et les États-Unis ont refusé d’ « accueillir favorablement » les conclusions de cette évaluation scientifique. Pour voir le bon côté des choses, je dis que c’est un rapport tellement stimulant que certains gouvernements n’ont pas trouvé les mots pour l’accueillir.

Pourquoi ce rapport est-il stimulant ?

Valérie MASSON-DELMOTTE : Parce qu’il y a urgence, parce qu’il existe des solutions qui peuvent être déployées rapidement et parce que cela peut aller de pair avec l’amélioration du bien-être de tous.

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