Dominique Gauzin-Müller

4 avril 2024  | Par Joris BOLOMEY
L'actuariel // Environnement // Dominique Gauzin-Müller

Architecte-chercheuse, Dominique Gauzin-Müller œuvre depuis 40 ans à la promotion de l’architecture et de l’urbanisme écoresponsables. Avec l’ingénieur Alain Bornarel et l’architecte Philippe Madec, elle a lancé en 2018 le Manifeste pour une Frugalité heureuse et créative.

Comment définissez-vous la frugalité ?

Dominique Gauzin-Müller : La frugalité dans le domaine de la construction et de l’aménagement du territoire est fondée sur quatre principes. Le premier implique une réduction de l’usage des sols. Nous privilégions la transformation du « déjà-là », la revitalisation des centres bourgs, la requalification des friches, etc. Le deuxième, la frugalité en énergie, commence par la réduction des besoins : application des principes bioclimatiques, isolation thermique, inertie pour le confort d’été et ventilation naturelle. Le reste pouvant alors être couvert par des énergies renouvelables. La frugalité concerne bien sûr aussi les matériaux. Nous privilégions les ressources disponibles localement, qu’elles soient géosourcées (pierre massive et terre crue) ou biosourcées (bois, paille, chanvre, chaume, etc.). Le dernier principe est la mise en œuvre de nouveaux processus de conception et de construction plus participatifs. Ces quatre principes sont la trame des livres de la collection « Architecture frugale ». Ces ouvrages présentent pour chaque région une vingtaine d’exemples d’architecture, d’urbanisme ou de paysage frugaux. Après le Grand Est, l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie et les Hauts-de-France, nous allons publier en 2024 un opus consacré à la Bretagne et un autre sur la Provence-Alpes-Côte-D’azur.

Pourquoi ne pas continuer d’utiliser en priorité du béton ?

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Manifeste pour une Frugalité heureuse et créative

Dominique Gauzin-Müller, l’ingénieur urbaniste Alain Bornarel et l’architecte et professeur Philippe Madec défendent depuis des années une architecture d’abord appelée écologique, puis « durable » (une traduction insatisfaisante du sustainable anglais), ou encore « écoresponsable » et désormais « frugale ». Philippe Madec et Alain Bornarel ont collaboré à des projets de construction, tandis que Dominique Gauzin-Müller concentre ses recherches depuis quarante ans sur les matériaux écologiques et l’énergie. Elle est d’ailleurs membre du groupe d’experts de l’association négaWatt, qui développe des scénarios d’autonomie énergétique pour la France en suivant le triptyque : sobriété, efficacité, énergies renouvelables.

Fin 2017, c’est Alain Bornarel qui invite le trio à prendre une position forte face à l’urgence climatique, afin de communiquer largement sur des alternatives déjà éprouvées dans le domaine de la construction. La première version du texte, rédigée à six mains, a d’abord été partagée avec une dizaine de professionnels dont les suggestions ont été intégrées avant la publication du manifeste dans sa version finale le 18 janvier 2018.

Celui-ci appelle à une juste utilisation des fruits de la Terre. Le manifeste englobe aussi le « ménagement des territoires urbains et ruraux ». « Nous ne voulons pas nous cantonner à la seule architecture, mais adopter une vision plus large. Je défends d’ailleurs une approche holistique depuis plus de vingt ans. Il faut arrêter de travailler en silo et aborder les choses de manière globale », souligne ainsi Dominique Gauzin-Müller. Selon elle, les architectes de la frugalité ne sont pas seulement au service de leurs clients et des futurs usagers. Un projet frugal doit également se montrer généreux envers le territoire et ses habitants, en encourageant par exemple la création ou la consolidation d’une filière (chanvre, paille, terre crue, etc.) Le terme de frugalité implique aussi pour les auteurs une forme de modestie et d’humilité au sein de la profession des architectes.

Aujourd’hui, le manifeste rassemble plus de 16 300 signataires issus de 90 pays. Ce succès international a également donné lieu à la création de groupes locaux. Les premiers ont été créés en Lorraine, par certains des anciens étudiants de Dominique Gauzin-Müller de l’Ensa de Nancy, et en Bretagne par d’anciens étudiants de Philippe Madec. Plus de trente groupes sont répartis aujourd’hui sur l’ensemble des régions françaises, ainsi qu’en Belgique, en Espagne, au Maroc, et même au Vietnam.

Retrouvez le manifeste complet à cette adresse : frugalitecreative.eu