Inflation : de nouvelles harmonies à composer

3 janvier 2023  | Par Séverine LEBOUCHER
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La flambée de l’inflation en 2022 secoue les modèles assurantiels, tant au passif qu’à l’actif. Peu de branches sont épargnées, même si ses conséquences sont loin d’être toutes maîtrisables. Une chose est certaine : qu’elle revienne à des niveaux raisonnables ou qu’elle s’installe dans la durée, elle s’impose comme un sujet de premier plan dans la gestion des risques.

Certains la croyaient « morte », depuis toutes ces années où elle était bloquée à des niveaux anémiques. L’inflation reste pourtant un concept tout sauf théorique, comme le rappelle sa flambée ces derniers mois un peu partout dans le monde. Aux États-Unis tout d’abord, où elle est le reflet d’une surchauffe de l’économie à la suite des exceptionnelles stimulations budgétaires et monétaires de la crise sanitaire. En Europe aussi et surtout, où elle s’avère bien davantage une réaction à un choc d’offre, plus délicat à gérer. « En zone euro, l’inflation a été guidée par des éléments volatils, les plus difficiles à prévoir : l’énergie et l’alimentaire, souligne François Cabau, senior economist pour la zone euro chez Axa IM. Déjà à l’œuvre en 2021, la hausse des prix de l’énergie a connu, avec le conflit russo-ukrainien, un pic sans précédent dans un passé récent, avec une hausse de plus de 40 % contre plus de 16 % pendant la grande crise financière par exemple. Quant aux prix alimentaires, leur hausse a atteint 12 % sur un an, contre 6 % en 2008. » De fait, c’est plutôt aux années 1970 et 1980 qu’il faut remonter pour retrouver un tel environnement inflationniste.

Des hausses hétérogènes

Certes, ces composantes volatiles peuvent rapidement refluer, comme on l’a déjà constaté fin 2022 pour l’énergie. Mais les conséquences sur l’offre des entreprises devraient rester prégnantes plus longtemps.

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L’assurance-vie face à l’enjeu du taux servi

En matière d’assurance-vie, l’impact de l’inflation est essentiellement indirect : c’est la hausse des taux induite qui change radicalement l’environnement de l’épargne. Plutôt en bien, côté assureurs, qui trouvent sur les marchés financiers des rendements plus élevés pour servir une rémunération positive à leurs assurés. « C’est la situation précédente d’inflation basse et de taux négatifs qui était la plus dramatique, car elle enclenchait les garanties en capital », indique Philippe Trainar, professeur titulaire de la chaire assurance du CNAM et membre d’honneur de l’Institut des actuaires. L’enjeu, pour les assureurs-vie, sera d’être capables de servir un taux d’intérêt attractif pour leur fonds euros. Attractif par rapport aux autres supports d’épargne tout d’abord, et en particulier le livret A, revalorisé à 2 % en juillet dernier et qui devrait atteindre 3 % en février. Mais aussi par rapport aux concurrents. « Les acteurs qui ont des volumes d’obligations plus importants à réinvestir à court terme pourront bénéficier plus massivement de cette hausse des taux », note Philippe Trainar. De même sur le portefeuille actions : « Les acteurs qui ont réalisé très tôt leur programme de prise de plus-values, c’est-à-dire dès le début de 2022 avant l’effondrement des marchés, auront plus de marges de manœuvre », abonde Marc-Philippe Juilliard, directeur en charge du secteur de l’assurance chez S&P Global Ratings. Avec, comme variables d’ajustement, les provisions pour participation aux bénéfices (PPB) et les réserves de capitalisation accumulées au fil des années et estimées par le site Good Value for Money à près de 95 milliards d’euros en France à fin 2021. Mais même avec ces revalorisations, les taux de l’assurance-vie, comme de la plupart des autres supports d’épargne, resteront en retrait significatif par rapport à l’inflation. Les rendements réels, eux, pourraient demeurer négatifs pour encore un certain temps.